Chaque 8 mars, le monde entier célèbre la journée internationale des droits de la femme. Officiellement reconnue par les Nations Unies en 1977, c’est une journée de manifestations à travers le monde et l’occasion de faire un bilan des actions menées en faveur des droits des femmes.
Au Togo, diverses rencontres et échanges ont marqué cette journée.
Pour ma part, j’ai eu l’honneur d’être invitée par l’association togolaise pour les femmes abandonnées (ATFA) présidée par Edinedi ESSIOMLE. C’était la deuxième invitation et j’ai décidé de ne pas me « dégonfler » cette année.
En effet, ATFA vient particulièrement en aide aux femmes détenues à la prison civile de Lomé. Elle organise différentes activités sportives, culturelles et éducatives pour leur permettre d’oublier les difficultés de cette vie derrière les barreaux. C’est dans le même esprit que le 8 mars a été célébrée pour ces femmes.
Je mettais pour la première fois les pieds à la prison civile de Lomé
Pour entrer, il fallait se plier à un rituel précis : inscrire son nom sur une liste afin qu’il vous soit attribué un numéro sur un bout de papier qui représente le « ticket » d’entrée et de sortie. J’avais le numéro 12. Ensuite, passer par la fouille des effets – je rappelle qu’il a fallu que je laisse mon sac à main à l’extérieur – je n’avais qu’un paquet de papier mouchoir (qui a été palpé) et ma lettre d’invitation. La dernière étape est la fouille au corps qui a pour but de contrôler qu’on ne transporte pas des objets dangereux. Une fois à l’intérieur, je n’étais plus Eléonore mais juste un numéro, le 12. J’ai soigneusement gardé mon numéro, c’était mon « ticket de sortie ».
J’avais des appréhensions en m’y rendant. Je m’interrogeais sur l’attitude à avoir avec ses femmes : être triste ? joyeuse ? avoir l’air compatissante ? les prendre en pitié ? Toutes ces questions me taraudaient l’esprit. J’allas rapidement trouvé une réponse à ces interrogations. Je fus agréablement surprise de voir qu’elles n’avaient en rien l’image que je me suis faite ou plutôt l’image que nous nous faisons des détenus.
J’ai vu des personnes souriantes et pleines de vie
Les détenues se fondaient dans la masse. La seule différence était les gardiennes qui les surveillaient. La représentante des détenues a fait un plaidoyer en faveur de ses co-détenues en réclamant de meilleures conditions de détention. Ce cri de cœur a été entendu par le représentant de l’administration pénitentiaire. Selon Edinedi ESSIOMLE, Présidente de ATFA, certaines détenues ont effectivement commis des actes répréhensibles mais d’autres ont été au mauvais endroit au mauvais moment. Ce sont des épouses, des mères, des sœurs, des tantes qui ont besoin du soutien de leur famille pour traverser cette phase de leur vie.
Après cette séquence émotive, place à la fête !
ATFA vient en aide aux détenues de différentes manières notamment à travers la pratique de la danse et du Zumba. Elles ont démontré leur talent de danseuse sur la piste avec une surveillante pénitentiaire. Très beau tableau qui n’a pas laissé le public indifférent. Je rappelle qu’à la veille de cette célébration, un match de football a été organisé entre les détenues et les surveillantes. Match qui s’est soldé par la victoire des surveillantes au tir au but ((les détenues ne leur ont pas facilité la tâche). L’ambiance entre détenues et surveillantes était bonne enfant : elles ont dansé et chanté ensemble. Un défilé de mode a permis de voir le résultat du temps passé par les détenues aux ateliers de couture et de coiffure. Les hommes détenus ne se sont pas fait compter l’évènement et ont rejoint le défilé.
Un détenu nous a même gratifié d’une séance de louange digne du dimanche. Pour lui, il doit sa joie de vivre au Seigneur malgré les conditions de détention difficiles.
J’ai compris l’importance des choses simples
On n’a pas forcément conscience de l’importance de certaines choses quand on les a à disposition au quotidien. Un seau d’eau, de la pâte dentifrice, une brosse à dent, des serviettes hygiéniques, etc., des objets usuels qui ont une plus grande importance dans cet endroit. Des dons de vêtements et autres nécessaires leurs ont été offerts par des anonymes et des commerçantes du grand marché de Lomé.
La fête fut belle, une expérience à renouveler l’année prochaine. La société punit ces personnes en les privant de leur liberté, mais elle doit aussi penser à leur bien-être afin que ce passage ne se répercute pas négativement sur le reste de leur vie. Je ne peux exprimer l’état d’esprit dans lequel je suis ressortie de cet endroit, je sais juste que j’ai une autre perception de certaines choses.
Ce que je retiens
Si je devais résumer cette expérience en quelques mots, ce serait: Dingue ! Édifiant ! J’avais des appréhensions et des craintes en me rendant dans cet endroit dont on ne dit jamais du bien. Comme tout le monde, j’avais des clichés qui ont pu être confirmés ou infirmés.
Je ne sais pas les raisons pour lesquelles ces personnes se sont retrouvées en détention, ni si elles sont coupables ou innocentes ; mais ce genre d’activités et les visites leur permettent de briser la routine et de voir d’autres visages que ceux de leurs co-détenus.