Le 28 mai dernier était célébrée la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle. Instaurée en 2014, le choix de cette date n’est pas anodin : le choix du jour, le 28ème du mois, a été effectué en fonction de la durée moyenne d’un cycle menstruel. Le mois de mai est quant à lui le 5ème de l’année, soit le nombre de jours moyen de la durée des règles. Cette journée a pour but de briser le silence sur un sujet resté longtemps tabou dans plusieurs communautés.
Après avoir vu plusieurs posts sur les réseaux sociaux à propos des menstruations, j’ai décidé de poser des questions à des femmes sur la manière dont elles ont vécu leurs premières menstruations et comment le sujet a été abordé par leurs mères ou toute autre personne de leur entourage. Célibataires, mariées, avec ou sans enfant, elles ont des expériences différentes les unes des autres. Des hommes se sont également prêtés au jeu et ont bien voulu me répondre. Comme quoi, ce n’est pas qu’une affaire de femmes.
Les menstruations précoces
Si les enquêtes ne s’accordent pas encore sur un âge fixe pour la survenue des premières règles, il est établi qu’elles peuvent apparaître entre 9 et 15 ans. Cependant, certaines personnes considèrent qu’avant 13 ans, cela est précoce.
C’est le cas de Bella, togolaise et mère d’un enfant. Ses premières règles sont apparues entre 9 et 10 ans, ce qui était, selon des personnes de son entourage, dû à un envoûtement. C’est sa sœur qui l’a aidé à surmonter cette période : « Elle était aux petits soins et me demandait régulièrement comment j’allais. Elle m’a également montré comment changer régulièrement les serviettes hygiéniques ». Les règles douloureuses, elle a dû s’en accommoder et s’y est même habituée.
Jessica, elle, a eu ses premières règles en classe de Cm2. Elle savait déjà de quoi il s’agissait mais n’avait pas d’informations sur les signes prémenstruelles. Elle fut très vite équipée pour y faire face : « J’ai rapidement obtenu des serviettes hygiéniques puisque je suis issue d’une famille où il y a beaucoup de femmes. C’est bien après que j’ai eu une discussion sur le sujet avec mes cousines, mes tantes et ma mère. Ce n’était pas parfait mais j’ai apprécié qu’elles n’associent pas le fait d’avoir des menstrues à celui d’être maintenant une proie pour les hommes ».
La honte d’être tâchée…
Comme pour beaucoup de jeunes filles, il est difficile de connaître son cycle dès le début. Ainsi, elles se retrouvent dans des situations où les menstrues les surprennent et tâchent les vêtements. Jessica s’est retrouvée dans une situation similaire : « J’étais au lycée, pendant un cours, j’avais tellement honte que je ne voulais pas me lever pour aller me changer dans les toilettes. Je me souviens que j’avais mis un jean super canon et assez moulant mais malheureusement le haut n’était pas assez long pour cacher la tâche. C’était le dernier cours et j’ai couru tout de suite pour rentrer chez moi après en prenant le soin de desserrer la sangle de mon sac pour qu’il recouvre la tâche ».
Quant à Léonie, ses premières menstrues se sont invitées en plein cours : « J’ai vu du sang dans ma culotte en allant uriner, je ne savais pas ce que c’était donc je suis retournée en classe comme si de rien n’était (…) je me suis tâchée. Tout le monde me regardait bizarrement »
Ne t’approche surtout pas des garçons…
Les premières menstruations sont un moment de questionnement intense pour la jeune fille et elle cherche des réponses auprès des figures féminines de son entourage. Naturellement, elle se tourne vers sa mère qui tente tant bien que mal de lui expliquer ce phénomène. Adakou, la trentaine, n’a pas vraiment eu de discussion avec sa mère : « Ma fille, avec ce qui t’arrive, il est préférable que tu ne t’approches surtout pas d’un garçon, tu pourrais tomber enceinte », lui a-t-elle dit. Elle reçut des protections en tissu sans plus d’explications. Elle dut faire face toute seule, aux règles douloureuses et aux changements de moyens de protection. Évidemment, elle ne maîtrisait pas son cycle menstruel et se retrouvait dans des situations embarrassantes : « Je trouve que les femmes sont plus compréhensibles et interpellent discrètement ».
Ce n’est pas qu’une affaire de femmes…
Il y a quelques années, quand Joseph a connu celle qui deviendra sa femme, elle avait des règles douloureuses et trouvait cela tout à fait normal pour une femme, à tel point qu’elle refusait de prendre des calmants pour atténuer ses douleurs : « Je voulais l’aider mais j’étais impuissant. Je devais faire profil bas et faire attention à ne pas l’irriter ». Mais l’année dernière, il découvre une serviette hygiénique qui apaiserait les douleurs des menstrues : « Je lui en ai offerte pour qu’elle essaye malgré sa réticence. Dès la première utilisation, elle les a adoptées et elle ne se plaint plus de règles douloureuses. »
Eric est coach scolaire et a travaillé avec des collégiennes sur les questions de sexualité car elles n’avaient pas les bonnes informations : « Elles pensaient être enceintes parce qu’elles avaient embrassé chacune un garçon récemment et dans leur tête, c’était la panique totale. Ce qui m’a interpellé est que leur maman respective n’était pas disposée à les aider. Pour l’une, la maman était quasiment absente. Pour l’autre, la maman était une vraie furie dès qu’il était question de sujet intime donc elle avait peur. Même en me parlant, elle me suppliait de ne rien lui dire. Pour la 3e, le père était le ‘’roi’’ dans la maison et il interdisait les causeries entre la mère et ses enfants. »
Cette expérience a permis à Eric, de mieux aborder la question avec sa fille de 13 ans quand elle eut ses premières menstruations : « J’ai d’abord téléchargé des vidéos sur YouTube pour qu’elle les regarde et pose des questions. Sa mère et moi étions disposés à y répondre. Je donnais toujours la parole à sa mère parce que je sais qu’elle(ma fille) préfère toujours venir vers moi pour des explications ».
Constamment au contact d’élèves et donc de jeunes filles, il a pu remarquer que : « Beaucoup d’autres filles dans les collèges et lycées ont des questions intimes qu’elles n’arrivent pas à poser aux parents. Et à l’école, ce n’est pas tout le temps qu’elles ont la chance de tomber sur un aîné équilibré ».
La phase des menstruations est un passage obligé pour toutes les femmes du monde. Certaines vivent bien cette période et ont toutes les armes en main pour y faire face. Tandis que d’autres ne sont pas suffisamment informées et outillées pour bien vivre ces périodes de menstruations. A travers les témoignages des hommes et des femmes dans ce billet, il apparaît que le manque d’informations peut créer la peur, l’angoisse et la honte pendant la période de menstruation. Même si nous n’avons pas eu les bonnes discussions avec nos parents, nous devons aujourd’hui, accompagner nos filles, sœurs, nièces qui seront ou sont déjà à ce stade de leur vie. Les garçons doivent également être informés pour briser peu à peu le tabou sur les menstruations. À nous les femmes, n’ayons pas peur d’évoquer le sujet avec les hommes.
Pour finir, je vous laisse la vidéo de cet épisode de la série sénégalaise C’est la vie. On y parle des règles et de la relation des parents pour en parler avec leurs filles.
There are 14 comments
good job! à partager…
Merci beaucoup. Il faut dire que Je redoute un peu ce jour avec ma fille au cas où j’en aurai. Hum.
Heureusement que tu vis à une époque où la parole se libère peu à peu sur ce sujet, tu pourrais en savoir plus en discutant avec tes amies. Crois-moi, tu en apprendras un paquet !
Intéressant. J’aime
Merci
Les règles sont parfois pénibles mais sont une particularité de la femme. Les parents ne doivent pas négliger cette étape dans la vie de leur fille.
Les parents doivent vraiment s’impliquer et trouver les mots justes pour discuter avec leurs filles
Un article pertinent et toujours d’actualité. Merci pour les témoignages partagés. Les premières règles sont toujours une période trouble dans la vie de la jeune fille surtout quand celles ci sont précoces. Comme tu as su bien le relever, il est très important de ne pas faire de cette question un sujet tabou dans la famille. Les parents doivent pouvoir à cette occasion parler avec la jeune fille de toutes les informations relatives aux règles.
Merci Audrey. Bien résumé.
Je savais qu’il y avait des cas de menstrues précoces mais à 9 ans ça je l’ignorais totalement. J’imagine le poids de la douleur pour ces enfants.
Merci pour l’article
Beau travail. Ceci peut servir de point de départ pour un projet de recherche sur la question permettant d’aboutir à des initiatives éducatives et de sensibilisation pertinentes.
Tres beau travail. J’ai adoré.
Pourquoi pas ?
Bravo! un sujet tres important pour nos parents et proches, comme tous ce qui touche a la sante feminine est tabou chez nous. Je kiffe trop l’envoutement de Bella
Merci