Je ne suis sans doute pas la seule à l’avoir remarqué : les forces de défense et de sécurité (FDS) au Togo communément appelés “sodja” se sentent parfois obligés d’être désagréables pour se faire respecter. C’est un peu comme si le fait de mal parler à autrui montrait leur supériorité. Il est bien vrai qu’il faut qu’on les respecte (ce qu’on fait déjà d’ailleurs) mais elles nous doivent aussi le respect.

Les forces de sécurité, comme leur nom l’indique, ont pour rôle d’assurer la sécurité des citoyens. Leur mission est de protéger et aider la population, informer, réprimer et sanctionner les infractions. Elles sont un élément important de la promotion et la protection des droits de l’homme dans un État (de droit : suivez mon regard). De ce fait, leur travail englobe des rôles préventifs et protecteurs dans le maintien de l’ordre public.

Au Togo, plus précisément à Lomé, j’ai remarqué que ces forces de l’ordre sont souvent désagréables et autoritaires même (et surtout) avec les civiles. On pense parfois à tort que le fait d’être dur avec les autres force le respect, pourtant il n’en est rien.

Mon expérience

Plusieurs situations vécues m’ont amené à faire ce constat. Je vais vous en relater seulement deux.

Situation 1

Je m’étais rendue dans un commissariat pour faire légaliser des documents. On me demanda de patienter un moment pour être reçu, ce que je fis. Les minutes passaient et l’attente devenait trop longue. Je sortis mon téléphone, histoire de jeter un coup d’œil aux réseaux sociaux en attendant que mon tour arrive.

Un policier, assis en face de moi, me dit : “On ne manipule pas les téléphones ici.” Je suis étonnée, c’était la première fois que j’entendais une chose pareille. Je scrute la pièce et lui demande gentiment s’il y avait un message quelque part qui interdisait l’utilisation de téléphone. Peut-être n’y avais-je pas prêté attention. Ma question n’était manifestement pas la bienvenue. Il se mit dans tous ses états et me dit : « Si vous manipulez encore votre téléphone, je vous le confisque. » Choquée et têtue que je suis, je réitère ma demande de savoir où était l’inscription qui signifiait cette interdiction.

Malheureusement (ou heureusement), mon tour arriva sans que je n’aie de réponse à mon interrogation.

Il aurait tout simplement pu me demander, gentiment et poliment, de ranger mon téléphone sans montrer une forme d’autorité. Un ordre joliment formulé passe mieux.

Situation 2

Vous vous souvenez de la période où on devait se faire établir la carte d’électeur en prévision des législatives ? En bonne citoyenne, j’ai décidé de me faire établir cette fameuse carte. Les queues interminables ne m’ont pas découragé. Je suis donc allée dans un centre aménagé à cet effet. Plus d’une heure dans la file d’attente et rien ne bougeait, mais les agents recenseurs faisaient passer des connaissances à eux. Vous imaginez bien la colère des personnes qui attendaient depuis des heures !

Un agent des forces de l’ordre arriva et tentait de mettre de l’ordre dans les différentes files d’attente. Il revenait de sa pause, selon certaines personnes. Il tombait bien parce qu’il régnait un gros désordre. J’en profitai pour dire à l’agent que certaines personnes qui n’étaient pas dans la queue sont dans la salle et que cela ralentissait les choses. J’ai eu droit à un : “Tu es qui ? Tu te prends pour qui ? “

Je n’ai pas compris la raison pour laquelle il s’est senti offensé à ce point. Je lui ai donc répondu que je faisais juste part d’une situation qui s’est passée en son absence et dont les autres personnes se plaignaient. Encore une fois, j’aurai mieux fait de me taire, il a rétorqué qu’il pouvait m’empêcher de faire ma carte. C’était tellement marrant que je n’ai pas pu me retenir de rire. Pour moi, il n’avait aucune raison valable pour le faire. les autres personnes présentes m’ont demandé de ne plus rien dire sinon il exécuterait sa menace. De quel droit il ferait cela ? Qu’avais-je fait de mal ? Je leur ai tout simplement dit qu’ils feraient mieux de connaitre leur droit en tant que citoyens.

Je suis finalement partie puisque de toute évidence, je n’avais aucune chance d’avoir ma carte d’électeur ce jour-là.


Il y a tellement d’histoires semblables, vécues ou racontées par des proches, que je ne pourrai pas toutes les raconter en un billet. Excès de zèle ou autre chose ? Je ne sais pas mais certaines forces de sécurité inspirent plus la peur que la sécurité. Pourtant elles sont censées nous protéger.

Excès de zèle ou frustration ?

Je me suis posée la question plusieurs fois et elle tourne dans ma tête à chaque fois que je me retrouve devant un agent des forces de l’ordre pas très courtois.

L’uniforme est déjà assez dissuasif pour en rajouter une couche et montrer qu’on a autorité sur l’autre. Le respect de l’autorité est de mise dans son corps de métier, on le sait, c’est même ce qui fait sa réputation et impose le respect de tous.

Population angoissée : à qui la faute ?

Point besoin de rappeler que la plupart des togolais est apeurée à la vue d’un homme en uniforme même si le contexte s’y prête. La répression des différentes manifestations, politiques ou non, n’a rien arrangé à l’histoire conflictuelle entre les forces armées et la population togolaise. Ailleurs, où la vue de la police est un soulagement car gage de sécurité, au Togo c’est le contraire, les forces de défense et de sécurité inspirent peur et insécurité, quel paradoxe !

Il est vrai que le togolais est pacifique et se contente tout simplement de ce qu’on lui donne sans chercher à savoir s’il mérite plus ou s’il est traité à sa juste valeur. Dans cette crise de confiance qui règne entre les FDS et la population, j’accuse cette dernière d’avoir fait perdurer cette situation. Il est important pour un peuple de connaitre ses droits et devoirs afin de ne pas être opprimé sans pouvoir se défendre. Cela me chagrine de voir les zémidjan faire des manœuvres dangereuses et risqués leur vie rien qu’à la vue de l’uniforme, quel qu’il soit. Il faut parfois quémander pour avoir un service ( ou juste pour avoir une simple information) auquel on a droit et qui doit être rendu par cette autorité.

Quelle solution ?

Un peuple frustré et opprimé est semblable à un volcan qui peut entrer en éruption à n’importe quel moment. Cette situation a longtemps duré et il urge d’y trouver une solution. Selon moi, la première mesure à prendre est d’inculquer une bonne base d’éducation civique et citoyenne au peuple togolais.

Du côté des FDS, le ministre de la sécurité et de la protection civile Yark Damehame a déjà annoncé des dialogues civilo-militaires pour instaurer un climat de confiance et une meilleure collaboration entre les forces de l’ordre et la population togolaise. Vivement la mise en place de ce cadre d’échange pour apaiser les tensions entre FDS et civils. Il faudrait également s’interroger sur la forme de ce dialogue. Mais bien avant ce dialogue, il est impérieux que les FDS soient sensibilisées sur un certain nombre de choses : connaître les droits des citoyens dans tous les contextes ; connaître leurs obligations à l’endroit des citoyens ; leur rappeler leurs missions. Sans ce préalable, le dialogue risque de ne pas avoir l’effet escompté puisque les premiers concernés ne sauront pas de quoi il en retourne. Ils n’en comprendront d’ailleurs pas l’utilité. Le chemin est long pour rétablir cette relation de confiance.

Je tiens à préciser que je ne généralise pas, certains FDS sont courtois, accueillants et savent vous mettre en confiance. Ce serait tellement plus simple s’ils étaient tous ainsi, les gens seraient moins crispés à leur vue.

Et vous, vous êtes-vous déjà senti rabaissé ou mal compris par un policier ? Comment avez-vous réagi ? Partagez-le en commentaire.